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Le roi ici, c’est le système. On eut faim sous Louis XV, on a faim sous Louis XVI.

La famine est alors une science, un art compliqué d’administration, de commerce. Elle a son père et sa mère, le fisc, l’accaparement. Elle engendre une race à part, race bâtarde de fournisseurs, banquiers, financiers, fermiers généraux, intendants, conseillers, ministres. Un mot profond sur l’alliance des spéculateurs et des politiques sortit des entrailles du peuple : Pacte de famine.

Foulon était spéculateur, financier, traitant d’une part, de l’autre membre du Conseil, qui seul jugeait les traitants. Il comptait bien être ministre. Il serait mort de chagrin, si la banqueroute s’était faite par un autre que par lui. Les lauriers de l’abbé Terray ne le laissaient pas dormir. Il avait le tort de prêcher trop haut son système, sa langue travaillait contre lui et le rendait impossible. La cour goûtait fort l’idée de ne pas payer, mais elle voulait emprunter, et, pour allécher les prêteurs, il ne fallait pas appeler au ministère l’apôtre de la banqueroute.

On lui attribuait une parole cruelle : « S’ils ont faim, qu’ils broutent l’herbe… Patience ! que je sois ministre, je leur ferai manger du foin ; mes chevaux en mangent… » On lui imputait encore ce mot terrible : « Il faut faucher la France… »

Foulon avait un gendre selon son cœur, un homme capable, mais dur, de l’aveu des royalistes[1], Berthier,

  1. La famille a vivement réclamé. Un examen sérieux nous prouve que les écrivains royalistes (Beaulieu, etc.) sont aussi sévères pour Foulon et Berthier