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Les légistes spécialement méprisaient la loi, le droit d’alors, en contradiction avec toutes les idées du siècle. Ils connaissaient les tribunaux et savaient que la Révolution n’avait pas d’adversaires plus passionnés que le Parlement, le Châtelet, les juges en général.

Un tel juge, c’était l’ennemi. Remettre le jugement de l’ennemi à l’ennemi, le charger de décider entre la Révolution et les contre-révolutionnaires, c’était absoudre ceux-ci, les rendre plus fiers et plus forts, les envoyer aux armées commencer la guerre civile. Le pouvaient-ils ? Oui, malgré l’élan de Paris et la prise de la Bastille. Ils avaient des troupes étrangères, ils avaient tous les officiers, ils avaient spécialement un corps formidable, qui faisait alors la gloire militaire de la France, les officiers de la marine.

Le peuple seul, dans cette crise rapide, pouvait saisir et frapper des coupables si puissants. « Mais si le peuple se trompe ?… » L’objection n’embarrassait pas les amis de la violence. Ils récriminaient. « Combien de fois, répondaient-ils, le Parlement, le Châtelet, ne se sont-ils pas trompés ? » Ils citaient les fameuses méprises des Calas et des Sirven ; ils rappelaient le terrible Mémoire de Dupaty pour trois hommes condamnés à la roue, ce Mémoire brûlé par le Parlement, qui ne pouvait y répondre.

Quels jugements populaires, disaient-ils encore, seront jamais plus barbares que les procédures des tribunaux réguliers comme elles sont encore en