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fît l’étrange proposition (reprise le lendemain et votée à l’Hôtel de Ville) d’élever une statue à Louis XVI sur la place de la Bastille démolie… Une statue pour une défaite, c’était neuf, original… Le ridicule était sensible ; qui pouvait-on tromper ainsi ? Faire triompher le vaincu, était-ce vraiment assez pour escamoter la victoire ?

L’obstination du roi dans toute la journée du 14 faisait sentir aux plus simples que sa démarche du 15 n’était nullement spontanée. Au moment même où l’Assemblée le ramenait au château, dans ce délire feint ou réel, une femme embrassa ses genoux et ne craignit pas de dire : « Ah ! Sire, êtes-vous bien sincère ? Ne vont-ils pas vous faire changer ? »

Le peuple de Paris avait les idées les plus sombres. Il ne pouvait croire qu’avec quarante mille hommes autour de Versailles, la cour ne fit rien du tout. Il croyait que la démarche du roi n’était qu’un moyen d’endormir pour attaquer avec plus d’avantage. Il se déliait des électeurs ; deux d’entre eux, envoyés le 15 à Versailles furent ramenés, menacés comme traîtres, en grand péril. Les Gardes-françaises craignaient quelque embûche dans leurs casernes et ne voulaient pas y rentrer. Le peuple s’obstinait à croire que, si la cour n’osait combattre, elle se vengerait par quelque noir attentat, qu’elle pouvait avoir quelque part une mine pour faire sauter Paris.

La crainte n’était pas ridicule, mais plutôt la