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Une seconde députation, le procureur de la Ville marchant à la tête, avec un tambour et un drapeau, fut aperçue de la place. Les soldats qui étaient sur les tours arborèrent un drapeau blanc, renversèrent leurs armes. Le peuple cessa de tirer, suivit la députation, entra dans la cour. Arrivés là, ils furent accueillis d’une furieuse décharge qui coucha plusieurs hommes par terre, à côté des députés. Très probablement, les Suisses, qui étaient en bas avec De Launay, ne tinrent compte des signes que faisaient les invalides[1].

La rage du peuple fut inexprimable. Depuis le matin, on disait que le gouverneur avait attiré la foule dans la cour pour tirer dessus ; ils se crurent trompés deux fois et résolurent de périr ou de se venger des traîtres. À ceux qui les rappelaient ils disaient, dans leur transport : « Nos cadavres serviront du moins à combler les fossés ! » Et ils allèrent obstinément, sans se décourager jamais, contre la fusillade, contre ces tours meurtrières, croyant qu’à force de mourir ils pourraient les renverser.

Mais alors et de plus en plus, nombre d’hommes généreux qui n’avaient encore rien fait s’indignèrent d’une lutte tellement inégale, qui n’était qu’un assassinat. Ils voulurent en être. Il n’y eut plus moyen de tenir les Gardes-françaises ; tous prirent parti pour le peuple. Ils allèrent trouver les commandants nommés par la Ville et les obligèrent de leur donner cinq

  1. C’est la vraie manière de concilier les déclarations, opposées en apparence, des assiégés et de la députation.