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tuel avec le peuple du faubourg, n’avaient nulle envie de tirer sur lui. Voilà la garnison divisée, que feront les deux partis ? S’ils ne peuvent s’accorder, vont-ils tirer l’un sur l’autre ?

Le triste gouverneur, d’un ton apologétique, dit ce qui venait d’être convenu avec la Ville. Il jura et fit jurer à la garnison que, s’ils n’étaient attaqués, ils ne commenceraient pas.

Thuriot ne s’en tint pas là. Il veut monter sur les tours, voir si effectivement les canons sont retirés. De Launay, qui n’en était pas à se repentir de l’avoir déjà laissé pénétrer si loin, refuse ; mais ses officiers le pressent, il monte avec Thuriot.

Les canons étaient reculés, masqués, toujours en direction. La vue, de cette hauteur de cent quarante pieds, était immense, effrayante ; les rues, les places, pleines de peuple ; tout le jardin de l’Arsenal comble d’hommes armés… Mais voilà, de l’autre côté, une masse noire qui s’avance… C’est le faubourg Saint-Antoine.

Le gouverneur devint pâle. Il prend Thuriot au bras : « Qu’avez-vous fait ? Vous abusez du titre de parlementaire ! Vous m’avez trahi ! »

Tous deux étaient sur le bord, et De Launay avait une sentinelle sur la tour, Tout le monde, dans la Bastille, faisait serment au gouverneur ; il était, dans sa forteresse, le roi et la loi. Il pouvait se venger encore…

Mais ce fut tout au contraire Thuriot qui lui fit peur : « Monsieur, dit-il, un mot de plus, et je vous