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neur monte avec l’état-major, reste une demi-heure, écoutant les bruits lointains de la ville ; n’entendant plus rien, il descend.

Le matin, beaucoup de peuple, et, de moment en moment, des jeunes gens (du Palais-Royal ? ou autres) ; ils crient qu’il faut leur donner des armes. On ne les écoute pas. On écoute, on introduit la députation pacifique de l’Hôtel de Ville, qui, vers dix heures, prie le gouverneur de retirer ses canons, promettant que, s’il ne tire point, on ne l’attaquera pas. Il accepte volontiers, n’ayant nul ordre de tirer, et, plein de joie, oblige les envoyés de déjeuner avec lui.

Comme ils sortaient, un homme arrive, qui parle d’un tout autre ton.

Un homme violent, audacieux, sans respect humain, sans peur ni pitié, ne connaissant nul obstacle, ni délai, portant en lui le génie colérique de la Révolution… Il venait sommer la Bastille.

La terreur entre avec lui. La Bastille a peur ; le gouverneur ne sait pourquoi, mais il se trouble, il balbutie.

L’homme, c’était Thuriot, un dogue terrible, de la race de Danton ; nous le retrouverons deux fois, au commencement et à la fin ; sa parole est deux fois mortelle : il tue la Bastille[1], il tue Robespierre.

  1. Il la tue de deux manières. Il y porte la division, la démoralisation, et, quand elle est prise, c’est lui qui propose de la démolir. Il tue Robespierre, en lui refusant la parole, au 9 thermidor.

    Thuriot était alors président de la Convention.