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ému peut-être et orageux, n’est pourtant jamais trouble, point vague, point flottant dans les vaines généralités. Ma passion elle-même, l’ardeur que j’y mettais, ne s’en seraient point contentées. Elles cherchaient, voulaient le propre caractère, la personne, l’individu, la vie très spéciale de chaque acteur. Les personnages ici ne sont nullement des idées, des systèmes, des ombres politiques ; chacun d’eux a été travaillé, pénétré, jusqu’à rencontrer l’homme intime. Ceux même qui sont traités sévèrement, sous certains rapports gagnent à être connus à ce point, atteints dans leur humanité. Je n’ai point flatté Robespierre. Eh bien, ce que j’ai dit de sa vie intérieure, du menuisier, de la mansarde, de l’humide petite cour qui, dans sa sombre vie, mit pourtant un rayon, tout cela a touché, et tel de mes amis, de parti tout contraire, m’avouait qu’en lisant il en versa des larmes.

Nul de ces grands acteurs de la Révolution ne m’avait laissé froid. N’ai-je pas vécu avec eux, n’ai-je pas suivi chacun d’eux, au fond de sa pensée, dans ses transformations, en compagnon fidèle ? À la longue, j’étais un des leurs, un familier de cet étrange monde. Je m’étais