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peur qu’il ne désobéît au roi et ne se jetât dans Paris !

MM. de Broglie et de Breteuil, au premier jour qu’on les manda, avaient été eux-mêmes effrayés de voir où l’on s’engageait. Broglie ne voulait pas qu’on renvoyât Necker. Breteuil aurait dit : « Donnez-nous donc alors cent mille hommes et cent millions. — Vous les aurez, » dit la reine. Et l’on se mit à fabriquer secrètement une monnaie de papier[1].

M. de Broglie, pris au dépourvu, lourd de ses soixante et onze ans, s’agitait beaucoup sans agir. Ordres, contre-ordres, se croisaient. Son hôtel était un quartier général, plein de commis, d’ordonnances, d’aides de camp prêts à monter à cheval. « On dressait une liste d’officiers généraux ; on faisait un ordre de bataille[2]. »

Les autorités militaires n’étaient pas trop d’accord entre elles. Il n’y avait pas moins de trois chefs : Broglie, qui allait être ministre, Puységur, qui l’était encore, enfin Besenval, qui depuis huit ans avait le commandement des provinces de l’intérieur, et à qui l’on signifia sèchement qu’il obéirait au vieux maréchal. Besenval lui expliqua la situation, le danger, et qu’on n’était pas en campagne, mais devant une ville de huit cent mille âmes au dernier degré de l’exaltation. Broglie ne voulut pas l’écouter. Ferme sur sa Guerre de Sept-Ans, ne connaissant que le soldat, que

  1. « Plusieurs de mes collègues m’ont dit en avoir vu d’imprimés. » Bailly, I, 325, 331.
  2. Besenval, II, 359.