Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/223

Cette page a été validée par deux contributeurs.

réserves. Les protestations des nobles arrivaient une à une, comme autant de défis, et remplissaient des séances ; ceux qui venaient ne daignaient s’asseoir, ils erraient, se tenaient debout, comme simples spectateurs. Ils siégeaient, mais ailleurs, dans un conciliabule. Beaucoup avaient dit qu’ils partaient, et ils restaient à Versailles ; visiblement, ils attendaient.

L’Assemblée perdait le temps. Les avocats, qui y étaient en majorité, parlaient beaucoup et longtemps, croyaient trop à la parole. Que la constitution se fît, tout était sauvé, selon eux. Comme si la constitution peut être quelque chose, avec un gouvernement en conspiration permanente ! Une liberté de papier, écrite ou verbale, tandis que le despotisme aurait la force et l’épée ! Non-sens, dérision !

Mais ni la cour ni Paris ne voulaient de compromis. Tout tournait à la violence ouverte. Les militaires de cour étaient impatients d’agir. Déjà M. du Châtelet, colonel des Gardes-françaises, avait mis à l’Abbaye onze de ses soldats qui avaient juré de n’obéir à aucun ordre contraire à ceux de l’Assemblée. Et il ne s’en tint pas là. Il voulut les tirer de la prison militaire et les envoyer à celle des voleurs, à cet épouvantable égout, prison, hôpital à la fois, qui réunissait sous le même fouet les galériens et les vénériens[1]. L’affaire terrible de Latude, plongé

  1. Croira-t-on bien qu’en 1790, on exécutait encore à Bicêtre les vielles ordonnances barbares qui prescrivaient de faire précéder tout traitement vénérien d’une flagellation ? Le célèbre docteur Cullérier l’a affirmé à un de ses amis.