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médiateur coupable entre le bien et le mal, gardant un semblant d’équilibre entre le juste et l’injuste, courtisan, à la fois, du peuple et des ennemis du peuple. Au dernier Conseil qui se tint lundi, à Versailles, les princes qui y furent appelés rendirent à la liberté le service essentiel d’écarter cet intermédiaire équivoque qui empêchait la raison et la déraison de se bien voir face à face.

Avant que la séance commence, je veux examiner les deux projets, celui de Necker, celui de la cour. Sur le premier, je n’en veux croire que Necker lui-même.


projet de necker.

Dans son livre de 1796, écrit en pleine réaction, Necker nous avoue confidentiellement ce que c’était que son projet ; il montre que ce projet était hardi très hardi… en faveur des privilégiés. Cet aveu lui coûte un peu à faire, mais enfin il en fait l’effort. « Le défaut de mon projet est sa trop grande hardiesse ; je risquais tout ce que je pouvais risquer… — Expliquez-vous… — Je le ferai, je le dois. Daignez m’écouter[1]. »

C’est aux émigrés qu’il parle, qu’il adresse cette apologie. Vaine entreprise ! Comment lui pardonneront-ils jamais d’avoir appelé le peuple à la vie politique, fait cinq millions d’électeurs ?

  1. Œuvres de Necker, VI, 191.