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martyrs de la liberté. Les Durovray, les Dumont et autres faiseurs médiocres, infatigables, étaient toujours là pour aider à sa paresse. Il était déjà malade et faisait ce qu’il fallait pour l’être de plus en plus. Ses nuits tuaient ses jours ; au matin, il se souvenait de l’Assemblée, des affaires, et il cherchait sa pensée ; il avait là tout à point la pensée anglaise, rédigée par les Genevois ; il prenait les yeux fermés et il y mettait le talent. Telle était sa facilité, son imprévoyance, qu’à la tribune même, sa parole admirable n’était parfois qu’une traduction des notes que ces Genevois, de moment en moment, lui faisaient passer.

Durovray, qui n’était pas en rapport avec Necker, se fit son conseiller officieux dans cette grave circonstance.

Il voulait, comme Bertrand de Molleville, que le roi cassât le décret de l’Assemblée, lui ôtât son nom d’Assemblée nationale, ordonnât la réunion des trois ordres, se déclarât le législateur provisoire de la France, fît, par l’autorité royale, ce que les Communes avaient fait sans elle. Bertrand croyait avec raison qu’après ce coup il ne restait qu’à dissoudre. Durovray prétendait que l’Assemblée, brisée, humiliée, sous la prérogative royale, accepterait son petit rôle de machine à faire des lois[1].

Dès le 17 au soir, les chefs du Clergé, le cardinal

  1. Comparer les deux plans dans les Mémoires de Bertrand et dans les Souvenirs de Dumon. Celui-ci avoue que les Genevois s’étaient bien gardés de confier leur beau projet à Mirabeau ; il en fut informé après l’événement, et dit avec beaucoup de sens : « C’est ainsi qu’on mène les rois à l’échafaud. »