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plus fermes caractères de l’assemblée, répondit ces fortes paroles : « Nous sommes ce que nous sommes. Le veto peut-il empêcher que la vérité ne soit une et immuable ? La sanction royale peut-elle changer l’ordre des choses et altérer leur nature ? »

Mirabeau, irrité par la contradiction et perdant toute prudence, s’emporta jusqu’à dire : « Je crois le veto du roi tellement nécessaire, que j’aimerais mieux vivre à Constantinople qu’en France, s’il ne l’avait pas… Oui, je déclare, je ne connaîtrais rien de plus terrible que l’aristocratie souveraine de six cents personnes qui demain pourraient se rendre inamovibles, après-demain héréditaires, et finiraient, comme les aristocraties de tous les pays du monde, par tout envahir. »

Ainsi, de deux maux, l’un possible, l’autre présent, Mirabeau préférait le mal présent et certain. Dans l’hypothèse qu’un jour cette assemblée pourrait vouloir se perpétuer et devenir un tyran héréditaire, il armait du pouvoir tyrannique d’empêcher toute réforme cette cour incorrigible qu’il s’agissait de réformer… Le roi ! le roi ! pourquoi abuser toujours de cette vieille religion ? Qui ne savait que depuis Louis XIV il n’y avait point de roi ? La guerre était entre deux républiques, l’une qui siégeait dans l’assemblée, c’étaient les grands esprits du temps, les meilleurs citoyens, c’était la France elle-même ; l’autre, la république des abus, tenait son conciliabule chez Diane de Polignac, aux vieux cabinets des Dubois, des Pompadour et des Du Barry.