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la reine, d’autre part, les tenaient encore fixés sur leurs bancs. Trois seulement se hasardèrent, puis sept, enfin dix-huit en tout. Grande risée à la cour sur la belle conquête que faisait le Tiers.

L’assemblée devait ou périr ou avancer, faire un second pas. Elle devait envisager hardiment la situation simple, terrible, que nous indiquions tout à l’heure, le droit en face du privilège, le droit de la nation concentré dans l’assemblée… Et il ne suffisait pas de voir cela, il fallait le faire voir et le promulguer, donner à l’assemblée son vrai nom : Assemblée nationale.

Dans sa fameuse brochure que tout le monde savait par cœur, Sieyès avait dit ce mot remarquable qui ne tomba pas en vain : « Le Tiers seul, dira-t-on, ne peut pas former les États généraux… Eh ! tant mieux, il composera une Assemblée nationale. »

Prendre ce titre, s’intituler ainsi la nation, réaliser le dogme révolutionnaire posé par Sieyès : Le Tiers, c’est le tout, c’était un pas trop hardi pour le franchir tout d’abord. Il fallait y préparer les esprits, s’acheminer vers ce but peu à peu et par degrés.

D’abord le mot d’Assemblée nationale ne se dit point dans l’assemblée même, mais à Paris entre les électeurs qui avaient élu Sieyès et ne craignaient pas de parler sa langue.

Le 15 mai, M. Boissy d’Anglas, obscur alors et sans influence, prononça le mot, mais pour l’éloigner, l’ajourner, avertissant la chambre qu’elle devait se garder de toute précipitation, s’affranchir du moindre