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cour lui en sut mauvais gré ; elle n’osa le blâmer, mais ne lui dit pas un mot[1].

Le Parlement ne put se dispenser, pour son honneur, d’ouvrir une enquête, et l’enquête resta là. On a dit, sans preuve suffisante, qu’il lui fut fait défense, au nom du roi, de passer outre.

Quels furent les instigateurs ? Peut-être personne. Le feu, dans ces moments d’orage, prend bien de lui-même. On ne manqua pas d’accuser « le parti révolutionnaire ». Qu’était-ce que ce parti ? Il n’y avait encore nulle association active.

On prétendit que le duc d’Orléans avait donné de l’argent. Pourquoi ? Qu’y gagnait-il alors ? Le grand mouvement qui commençait offrait à son ambition trop de chances légales pour qu’à cette époque il eût besoin de recourir à l’émeute. Il était mené, il est vrai, par des intrigants prêts à tout ; mais leur plan, à cette époque, était entièrement dirigé vers les États généraux ; seul populaire entre les princes, leur duc, ils s’en croyaient sûrs, allait y jouer le premier rôle. Tout événement qui pouvait retarder les États leur paraissait un malheur.

Qui désirait les retarder ? qui trouvait son compte à terrifier les électeurs ? qui profitait à l’émeute ?

  1. Mémoires de Besenval, II, 347. — Mme  de Genlis et autres amis de l’Ancien-Régime veulent que ces Mémoires, si accablants pour eux, aient été rédigés par le vicomte de Ségur. Je le veux bien ; il aura écrit sur les notes et souvenirs de Besenval. Les Mémoires n’en appartiennent pas moins à celui-ci. Besenval était, je le sais, peu capable d’écrire ; mais, sans ses confidences, l’aimable chansonnier n’eût jamais fait ce livre si fort, tellement historique sous la légèreté des formes ; la vérité, y éclate, y reluit, souvent d’une lumière terrible ; il ne reste qu’à baisser les yeux.