Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.

village, pauvre musicien, que tu vas nous refaire un monde ?… Tu avais un filet de voix, de l’ardeur, une chaude parole, quand tu arrivas à Paris, riche de ton Pergolèse, de musique et d’espérance. Il y a déjà longtemps, tu as bientôt un demi-siècle, tu es vieux, tout est fini… Que parles-tu de renaissance à cette société mourante, quand toi-même tu n’es plus ?

Oui, c’était vraiment difficile, même pour un homme moins cruellement maltraité du sort, de tirer le pied du sable mobile, de la boue profonde, où tout allait s’enfonçant.

Où prit-il son point d’appui, l’homme fort, qui, frappant du pied, s’arrêta, tint ferme ?… Et tout s’arrêta.

Où il le prit, ô monde infirme, hommes faibles et malades qui le demandez, ô fils oublieux de Rousseau et de la Révolution ?…

Il le prit en ce qui chez vous a trop défailli… Dans son cœur. Il lut au fond de sa souffrance, il y lut distinctement ce que le Moyen-âge n’a jamais pu lire : Un Dieu juste… Et ce qu’a dit un glorieux enfant de Rousseau : Le Droit est le souverain du monde.

Ce mot magnifique n’est dit qu’à la fin du siècle ; il en est la révélation, la formule profonde et sublime.

Rousseau l’a dite par un autre, par Mirabeau. Et elle n’en est pas moins le fond du génie de Rousseau. Du moment qu’il s’est arraché de la fausse science du temps, d’une société non moins fausse, vous la voyez poindre dans ses écrits, cette belle lumière : le Devoir, le Droit !