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espère toujours ; cette minorité, cette longue tutelle de vingt ou trente ans finira.

Quand on apprit à Paris que Louis XV, parti pour l’armée, était resté malade à Metz, c’était la nuit. « On se lève, on court en tumulte, sans savoir où l’on va ; les églises s’ouvrent en pleine nuit… On s’assemblait dans les carrefours, on s’abordait, on s’interrogeait sans se connaître. Il y eut plusieurs églises où le prêtre qui prononçait la prière pour la santé du roi interrompit le chant par ses pleurs, et le peuple lui répondit par ses sanglots et par ses cris… Le courrier qui apporta la nouvelle de sa convalescence fut embrassé et presque étouffé ; on baisait son cheval, on le menait en triomphe… Toutes les rues retentissaient d’un cri de joie. Le roi est guéri ! »

Ceci en 1744. Louis XV est nommé le Bien-Aimé.

Dix ans passent. Le même peuple croit que le Bien-Aimé prend des bains de sang humain, que, pour rajeunir son sang épuisé, il se plonge dans le sang des enfants. Un jour que la police, selon son habitude atroce, enlevait des hommes, des enfants errant dans les rues, des petites filles (surtout les jolies), les mères poussent des cris affreux, le peuple s’assemble, une émeute éclate. Dès ce moment, le roi ne vint jamais à Paris. Il ne le traversait guère que pour aller de Versailles à Compiègne. Il fit faire à la hâte une route qui évitait Paris, dispensait le roi de voir son peuple. Cette route s’appelle encore le chemin de la Révolte.