vérité. Un pouvoir, le Roi : rien de plus. Le gouvernement est tout personnel. Plus d’action collective. Plus de cours féodales où le seigneur appelait ses barons. Plus de communes délibérantes. Le fil des affaires politiques, moins multiple, moins complexe, et mis dans une seule main, devient pourtant plus difficile à suivre ; cette main unique est fermée. Toute affaire est maintenant personnelle, de famille, de favoritisme, de galanterie. Le destin des nations est désormais enclos aux ténébreux appartements, aux chambres à coucher, aux alcôves, aux retraits de Leurs Majestés. Leur humeur, leur santé variable, voilà maintenant la règle du monde. Le mystère de la digestion trône au sommet de la politique.
Tels rois, tels peuples ; ceux-ci participent aux maladies des princes. La France tousse, la France a mal à la poitrine, la France fait un enfant mort ; on dirait qu’elle meurt elle-même, et cela regorgeant de vie ! oui, mais elle est malade en son incarnation : Louis XII, Anne de Bretagne.
Et non moins malade est l’histoire. Elle a cessé, sauf les panégyristes ou les chroniqueurs romanesques, pauvres copistes des romans qui ont copié, gâté les poèmes. J’excepte la charmante Chronique de Bayard, qui d’ailleurs fut écrite plus tard et sous François Ier. Comines m’a quitté, et le bon sens aussi semble avoir délaissé le monde. Le ferme et fin Machiavel, et sa plume d’airain, sont brisés ; il le dit lui-même. Il se précipite effaré dans le paradoxe insensé du Prince, poignardant le droit et le juste,