auprès de ce que firent, à Venise, les Alde dans l’épouvantable travail qu’ils mirent à fin, ressuscitant et dressant sur ses jambes ce double colosse, ce cheval de Troie, plein de guerres fécondes, qui, dans le ventre, a toute école, toute dispute et toute hérésie, le duel inextinguible de l’intelligence humaine.
Aristote ressuscita d’abord, l’année de la mort de Savonarole et de Charles VIII, en plein règne des Borgia (1498). Les terreurs de Venise en ce temps maudit, les malheurs infinis de la guerre, de la Ligue de Cambrai, où Venise fut réduite à ses lagunes, arrêtèrent les presses des Alde. Les boulets barbares franchissaient la mer, sans respect pour le vieil asile qui fut respecté d’Attila. Venise était pourtant alors le berceau vénérable où renaissait Platon. Il ne put paraître que dans l’année sanglante des massacres de Brescia et de Ravenne, en 1512. Le monde, parmi ces malheurs, reçut de la désolée Venise l’incomparable fleur de la sagesse grecque, la sublimité consolante du Banquet et du Phédon.
Homère, Platon, Aristote, les trois bibles de l’antiquité. Ajoutez-y un monument non moins grand, le Corpus juris.
Qu’on ne s’étonne pas si Luther, le furieux défenseur du christianisme oublié, s’indigne, non sans terreur, de voir debout, la tête dans le ciel, ces géants qui, du haut d’une logique éternelle, regardent en pitié la Légende.
Une nouvelle dialectique renaissait, ingénieuse, à la fois fine et forte, qui, mortelle à la scolastique,