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HISTOIRE DE FRANCE

de Catalogne et d’Aragon ; esprit mobile, d’espérance légère, partout appelé, partout chassé, courant, sans argent ni ressources, d’une aventure à l’autre… Louis XI parut prendre intérêt à ces guerres romanesques, dont il comptait bien profiter. Les chevaliers, les paladins, plaisaient à l’homme d’affaires, comme des prodigues sur lesquels on pouvait faire de beaux bénéfices. De toutes parts, il y avait à gagner avec eux. Gênes était un si beau poste vers l’Italie, Perpignan une si bonne barrière vers l’Espagne ; mais quoi ! si l’on eût pris Calais !

Calais était une trop belle affaire ; on osait à peine espérer. Pour que la hère Marguerite en vînt à vendre ce premier diamant de la Couronne, à trahir l’Angleterre, il fallait que, de misère ou de fureur, elle perdit l’esprit… Louis XI crut avoir ce bonheur. Le parti de Marguerite fut exterminé à Towton ; elle n’eut plus de ressource que chez l’étranger.

Cette bataille de Towton n’avait pas été, comme les autres, une rencontre de grands seigneurs ; ce fut une vraie bataille, et la plus sanglante peut-être que l’Angleterre ait livrée jamais. Il resta sur la place trente-six mille sept cent soixante-seize morts[1]. Ce carnage indique assez qu’ici le peuple combattit pour son compte, non pas tant pour York ou Lancastre, mais chacun pour soi. Marguerite, l’année d’avant, pour accabler son ennemi, avait appelé à la guerre, au pillage, les bandits du Border[2], les affamés d’Ecosse ;

  1. Hall ; Turner.
  2. App. 12.