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HISTOIRE DE FRANCE

féodal, ils accouraient d’eux-mêmes. « Je me fais fort, disait il, de mener le roi sacrer à Reims avec cent mille hommes. »

Le roi trouvait que c’était trop d’amis, il n’avait pas l’air de se soucier qu’on lui fît tant d’honneur. Il dit assez sèchement à l’homme de confiance du duc, au sire de Croy : « Mais pourquoi bel oncle veut-il donc amener tant de gens ? Ne suis-je pas roi ? de quoi a-t-il peur ? »

Au fait, il n’était besoin d’une croisade, ni d’un Godefroi de Bouillon. La seule armée qu’on risquait de rencontrer à la frontière et sur toute la route, c’était celle des harangueurs, complimenteurs et solliciteurs qui accouraient au-devant, barraient le passage. Le roi avait assez de mal à s’en défendre. Aux uns, il faisait dire de ne pas approcher ; les autres, il leur tournait le dos. Tel qui avait sué à préparer une docte harangue n’en tirait qu’un mot : « Soyez bref. »

Il semble pourtant avoir écouté patiemment un de ses ennemis personnels, Thomas Bazin, évêque de Lisieux[1], qui a écrit depuis une histoire, une satire de Louis XI. Le malveillant prélat lui fit un grand sermon sur la nécessité d’alléger les taxes, c’est-à-dire de désarmer la royauté, comme le souhaitaient les grands. Le roi n’en reçut pas moins bien la leçon, et pria l’évêque de la lui coucher par écrit, afin qu’il pût la lire en temps et lieu, et s’en rafraîchir la mémoire.

Le sacre de Reims fut le triomphe du duc de Bour-

  1. App. 7.