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LOUIS XI

Le roi de ce royaume si mal gardé du dehors n’avait lui-môme nulle sûreté au dedans. Il apprit de bonne heure à connaître, non la malveillance de ses ennemis, mais celle de ses amis. Ses intimes, ceux qui l’avaient suivi, n’étaient rien moins que sûrs[1]. Ceux qu’il gracia à son avènement, les Alençon, les Armagnac, furent bientôt contre lui. Dès le commencement, et de plus en plus, il sentit bien qu’il était seul, que, dans le desordre où l’on voulait tenir le royaume, le roi serait l’ennemi commun, partant qu’il ne devait se lier a personne. Tous les grands étaient au fond contre lui, et les petits même allaient tourner contre, dès qu’il demanderait de l’argent.

La première charge du nouveau règne, la plus lourde à porter, c’était l’amitié bourguignonne. Dans ce roi qu’ils ramenaient, les gens du duc de Bourgogne ne voyaient qu’un homme à eux, au nom duquel ils allaient prendre possession du royaume. Comment leur eût-il rien refusé ? N’était-il pas leur ami et compère ? N’avait-il pas causé avec celui-ci, chassé avec celui-là[2] ?… C’étaient la sans nul doute des titres à tout obtenir ; seulement il fallait se hâter, demander des premiers… Chacun montait à cheval.

Le duc y était bien monté, malgré son âge ; il se sentait tout rajeuni pour cette expédition de France. Il voyait arriver tout ce qu’il y avait de nobles de Bourgogne et des Pays-Bas ; il en venait d’Allemagne. Ils n’avaient pas besoin d’être sommés de leur service

  1. App. 5.
  2. App. 6.