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HISTOIRE DE FRANCE

n’était pas moins puissant du côté de la mer ; lui seul tenait en main le fil brouillé des affaires anglaises ; il avait toujours des agents là-bas qui suivaient la guerre civile, assistaient aux batailles[1]. Les Anglais l’estimaient, parce qu’il leur avait fait beaucoup de mal. Il aurait fort bien pu, se voyant perdu, les faire descendre dans sa Normandie, où il avait à commandement les évêques et les seigneurs[2].

Il se trouvait justement que l’Angleterre pouvait agir. La Rose rouge venait d’être abattue à Towton ; que restait-il à faire au vainqueur pour affermir la Rose blanche ? Ce qui avait consacré la Rouge et le droit de Lancastre, une belle descente en France. Il fallait seulement que le jeune Edouard, ou son faiseur de rois, Warwick, trouvât un moment pour passer à Calais. Il n’y eût pas eu grand obstacle : le vieux duc de Bourgogne, hôte et ami d’Édouard, et qui lui élevait ses frères, eût fait comme Jean-sans-Peur, il eût réclamé plutôt que résisté. L’Anglais, tout en parlementant, eût avancé jusqu’à Abbeville, jusqu’à Péronne, jusqu’à Paris peut-être… Que cette route des guerres où les haltes s’appellent Azincourt et Créci, que notre faible gardienne, la Somme, eût elle-même pour gardien le duc de Bourgogne, l’ami de l’ennemi, c’était là une terrible servitude… Tant que la France était ainsi ouverte, à peine pouvait-on dire qu’il y eût une France.

  1. Particulièrement son agent Doucereau, qui fut pris à la bataille de Northampton. (Mss. Legrand.)
  2. Surtout (selon toute apparence) les évêques de Bayeux et de Lisieux. App. 4.