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HISTOIRE DE FRANCE

alla à Toul, elle parut en justice, elle parla, elle qui s’était toujours tue.

Pour échapper à l’autorité de sa famille, il fallait qu’elle trouvât dans sa famille même quelqu’un qui la crût : c’était le plus difficile. Au défaut de son père, elle convertit son oncle à sa mission. Il la prit avec lui, comme pour soigner sa femme en couches. Elle obtint de lui qu’il irait demander pour elle l’appui du sire de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs. L’homme de guerre reçut assez mal le paysan et lui dit qu’il n’y avait rien à faire, sinon de la ramener chez son père, « bien souffletée »[1]. Elle ne se rebuta pas ; elle voulut partir et il fallut bien que son oncle l’accompagnât. C’était le moment décisif ; elle quittait pour toujours le village et la famille ; elle embrassa ses amies, surtout sa petite bonne amie Mangette qu’elle recommanda à Dieu ; mais pour sa grande amie et compagne Haumette, celle qu’elle aimait le plus, elle aima mieux partir sans la voir[2].

Elle arriva donc dans cette ville de Vaucouleurs, avec ses gros habits rouges de paysanne[3], et alla loger avec son oncle chez la femme d’un charron, qui la prit en amitié. Elle se fit mener chez Baudricourt, et lui dit avec fermeté « qu’elle venait vers lui de la part de son Seigneur, pour qu’il mandât au dauphin de se bien maintenir, et qu’il n’assignât point de bataille à ses ennemis, parce que son Seigneur lui donnerait secours

  1. « Daret ci alapas. » (Notices des mss.)
  2. « Nescivit recessum… Multum flevit… » (Déposition d’Haumette.)
  3. « Pauperibus vestibus rubeis. » (Déposition de Jean de Metz.)