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CHARLES VII. — HENRI VI

les villes, depuis la Picardie jusqu’en Allemagne, ce peuple était encore sensible aux maux des autres ; il réservait sa pitié pour un prince prisonnier, un prince, un poète, fils d’un homme assassiné, et lui-même voué pour toute la vie à cette mort de la captivité et de l’exil[1].

Les femmes surtout éprouvaient ces sentiments de pitié. Moins dominées par l’intérêt, elles sont plus fidèles au malheur. En général, elles ne furent pas assez politiques pour se résigner au joug étranger ; elles restèrent bonnes Françaises. Duguesclin savait qu’il n’y avait rien de plus français en France que les femmes, lorsqu’il disait : « Il n’y a pas une fileuse qui ne file une quenouille pour ma rançon. »

L’un des premiers exemples de résistance avait été donné par une jeune femme, la dame de La Rocheguyon ; elle défendit longtemps cette forteresse qui lui appartenait, et forcée de la rendre, refusa d’en faire hommage aux Anglais. Ceux-ci osèrent lui proposer d’épouser un traître, Gui Bouteillier, qui avait trahi Rouen ; ils voulaient mettre un homme à eux dans cette place importante de La Rocheguyon. Il eut la place, mais non la dame ; elle aima mieux laisser tout, et s’en aller pauvre avec ses enfants[2].

  1. Ce sentiment populaire fut exprimé vivement par la Pucelle, qui disait avoir pour mission de délivrer, non seulement Orléans, mais le duc d’Orléans. (Procès, déposition du duc d’Alençon.)
  2. Monstrelet. Il est juste d’ajouter que les femmes ne résistèrent pas seules. Monstrelet parle du brave brigand Tabary ; le Bourgeois fait mention d’un capitaine roturier de Saint-Denis qui fut tué par ses envieux ; le Religieux du Normand Braquemont, qui, avec la flotte de Castille, défit celle des Anglais ; il raconte enfin qu’un Normand, Jean Bigot, au plus beau moment