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HISTOIRE DE FRANCE

gnacs ont laissé tant d’affreux souvenirs, où leur nom même est un blasphème, ils s’y sont établis, y ont acquis le duché de Nemours.

Ces rapprochements de populations diverses, hostiles, sous une même domination, ne sont nulle part plus choquants que dans cet étrange empire de la maison de Bourgogne. Nulle part, pas même en Bourgogne, le duc n’était vraiment le seigneur naturel[1]. Ce mot si fort au moyen âge et qui imposait tant de respect, était ici trop visiblement un mensonge. Les sujets de cette maison la regrettèrent tombée ; mais tant qu’elle fut debout, elle ne maintint guère que par force ce discordant assemblage de pays si divers, cette association d’éléments indigestes.

Partout d’abord deux langues, et chacune de vingt dialectes, je ne sais combien de patois français que les Français n’entendent pas ; quantité de jargons allemands, inintelligibles aux Allemands ; vraie Babel, où, comme dans celle de la Genèse, l’un demandant la pierre, on lui donnait le plâtre ; dangereux quiproquo, où les procès flamands se traduisant bien ou mal en

  1. Le blason de la maison de Bourgogne n’a nul rapport à ses destinées ni à son caractère. Le croix de Saint-André rappelait des souvenirs austères, l’époque de ferveur où un duc, se faisant moine de Cluny, malgré le pape, trente de ses vassaux prirent l’habit, l’époque où Citeaux prêchant la croisade par toute la terre, les princes bourguignons allèrent combattre avec le Cid et fonder des royaumes sur la terre des Maures. — Le lion noir sur or de la Flandre rappelait aux Flamands leurs vieux comtes, qui fortifièrent les villes, tracèrent le fossé entre France et Empire, fondèrent la paix publique, ou bien encore leur aimable dynastie de Hainaut, qui sut dire aussi bien que faire, qui fit et conta la croisade, s’y dévoua deux fois et couronna la tour de Bruges du dragon de Sainte-Sophie.