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HISTOIRE DE FRANCE

Lombards. Et avec tout cela, la guerre languissait. L’argent manquait, l’union encore plus. Les favoris du roi firent échouer Richemont dans ses premières entreprises. Ce ne fut pas, il est vrai, impunément ; le rude Breton en fit tuer deux en six mois sans forme de procès[1]. Puisqu’il fallait au roi un favori, il lui en donna un de sa main, le jeune La Trémouille[2], et le premier usage que celui-ci fit de son ascendant, fut de faire éloigner Richemont. Le roi, chose bizarre, défendit à son connétable de combattre pour lui ; les gens du roi et ceux de Richemont étaient sur le point de tirer l’épée les uns contre les autres.

Ainsi Charles VII se trouvait moins avancé que jamais. Il avait essayé des Gascons, des Écossais, des Bretons, tous braves, tous indisciplinables. Ni le refroidissement du duc de Bourgogne à l’égard des Anglais, ni la soumission apparente du Languedoc, ni le rapprochement des maisons d’Anjou et de Lorraine, ne lui avaient donné de force effective. Son parti semblait incurablement divisé et pour toujours impuissant.

Les Anglais, bien instruits de cette désorganisation, crurent que le moment était arrivé de forcer enfin la barrière de la Loire, et ils rassemblèrent autour

  1. Voir la terrible histoire du sire de Giac, qui avait empoisonné sa femme et l’avait fait ensuite galoper jusqu’à la mort. Quand il fut pris par Richemont et sur le point d’être tué, il demanda qu’auparavant on lui coupât une main qu’il avait donnée au diable, de crainte qu’avec cette main le diable n’emportât tout le corps.
  2. « Le roy luy dist : Vous me le baillez, beau cousin, mais vous en repentirez : car je le congnois mieux que vous. »