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CHARLES VII. — PHILIPPE-LE-BON

Ce grand peuple alla ainsi à la mort, dans sa simplicité héroïque, vendu d’avance et trahi[1]. Un homme à qui ils avaient confié la défense de leur château de Gavre, se chargea de les attirer. Il se sauva de la place et vint dire à Gand que le duc de Bourgogne était presque abandonné, qu’il n’avait plus avec lui que quatre mille hommes. Deux capitaines anglais, au service de la ville, parlèrent dans le même sens, et avec l’autorité que devaient avoir de vieux hommes d’armes[2]. Arrivés devant l’ennemi, les Anglais passèrent au duc, en disant : « Nous amenons les Gantais, ainsi que nous l’avions promis[3]. »

Cette défection alarmante ne les fit pas sourciller ; ils avancèrent en bon ordre[4] en faisant trois haltes pour mieux garder leurs rangs. L’artillerie légère du duc et ses archers les émouvaient peu encore ; mais voilà qu’au milieu d’eux un chariot de poudre éclate ; le chef de leur artillerie, soit prudence, soit trahison, crie : « Prenez garde ! prenez garde ! » Un vaste désordre commence, les longues piques s’em-

  1. « Le bastard de Bourgongne eut moyen de parlementer secrètement à un qui estoit chef desdicts Anglois et se nommoit Jehan Fallot… Celuy Jehan Fallot remonstra à ses compaignons qu’ils ne pouvoient avoir honneur de servir celle commune contre leur seigneur, et aussi qu’ils estoient en danger de ce puissant peuple, et que communément le guerdon du peuple est de tuer et assommer ceux qui mieux le servent. » (Olivier de La Marche.)
  2. M. Lenz pense que les Flamands ont devancé toutes les autres nations au quatorzième siècle pour l’organisation de l’infanterie. Ce qui est sûr, c’est que leur obstination à ne rien changer à cette organisation fut pour eux une cause de défaites, à Roosebeke, peut-être à Gavre, etc.
  3. Olivier de La Marche.
  4. « Tant d’armes, tant de vaillance et d’outrage, que si telle adventure estoit advenue à un homme de bien, et que je le secusse nommer, je m’aquiteroye de porter honneur à son hardement. » (Olivier de La Marche.)