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CHARLES VII. — PHILIPPE-LE-BON

qui prêtait de l’argent au dauphin[1] et qu’on soupçonnait de l’avoir délivré d’Agnès.

Si l’on en croit les Gantais, l’exaspération du duc eût été si furieuse[2] que ses députés à Gand crurent lui faire plaisir en y préparant un massacre. La ville les lui dénonça, et sur son refus de les rappeler, elle les jugea elle-même et leur fit trancher la tête. Les résolutions de ce peuple irrité, souffrant, sans travail, devaient être violentes et cruelles. Je vois cependant qu’un ex-échevin de Gand, un grand seigneur, ayant été pris lorsqu’il coupait les canaux pour affamer la ville, le peuple ajourna son supplice, à la prière de la noblesse, et finit par lui permettre de se racheter.

Le bailli du comte ayant été rappelé et la justice ne pouvant être suspendue dans cette grande population en effervescence, on créa grand justicier un maçon, Lievin Boone. Si j’en juge par la guerre savante et par l’emploi des machines que firent les Gantais sous sa conduite, celui-ci devait être un de ces maçons architectes et ingénieurs qui bâtissaient les cathédrales, de ceux que l’Italie faisait venir des loges maçonniques du Rhin pour fermer les voûtes du duomo de Milan.

Le Vendredi saint (7 avril 1452), une dernière tentative fut faite auprès du duc pour le fléchir ; mais il voulait qu’on désarmât. Alors le grand justicier de Gand, faisant sonner le wapening (l’assemblée armée), emporta tout par un moyen populaire, par la simple

  1. Le roi fut persuadé « qu’il avoit intelligence avec luy, et que sous main il l’aydoit de conseil et l’assistoit d’argent. » (Godefroy.)
  2. App. 152.