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CHARLES VII. — PHILIPPE-LE-BON

Vraie cathédrale du peuple, aussi haute que sa voisine, la cathédrale de Dieu[1]. Si la première eût rempli sa destinée, si ces villes eussent suivi jusqu’au bout leur idée vitale, la maison de l’amitié eût fini par contenir tous les amis, toute la ville ; elle n’eût pas été seulement le comptoir des comptoirs, mais l’atelier des ateliers[2] le foyer des foyers, la table des tables, de même qu’en son beffroi semblent s’être réunies les cloches des quartiers, des confréries, des justices[3]. Par-dessus toutes ces voix, qu’il accorde et qu’il domine, se joue souverainement le carillon de la loi, avec son Martin ou Jacquemart. Cloche de bronze, homme de fer ; celui-ci est le plus vieux bourgeois de la ville, le plus gai, le plus infatigable, avec sa femme Jacqueline… Que chantent-ils nuit et jour, d’heure en heure, de quart en quart ? Un seul chant, celui du psaume : Quam jucundum est fratres habitare in unum !

Voilà l’idéal, le rêve ! un peuple travaillant dans l’amour… Mais le diable en est jaloux.

Il ne lui faut pas grand’place ; il aura toujours bien un coin dans la plus sainte maison. Au sanctuaire

  1. Voir dans la cathédrale la pierre de Jansénius, au milieu même du chœur, mais si ingénieusement dissimulée.
  2. C’est ce qui existait effectivement pour une partie des fabricants d’Ypres ; ils travaillaient dans la halle même : « L’étage principal contenait les métiers des tisserands de draps et de serge… Les différents locaux du rez-de-chaussée contenaient les peigneurs, cardeurs, fileurs, tondeurs, foulons, teinturiers…» (Lambin.)
  3. Droits de cloche, de ban, de justice, sont synonymes au moyen âge. Le carillon n’aurait-il pas été originairement la simple centralisation des cloches, c’est-à-dire des justices ? Les dissonances trop choquantes auront forcé à y mettre une harmonie quelconque, qui peu à peu se sera adoucie. App. 131.