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HISTOIRE DE FRANCE

le Parlement de Bordeaux ne tarda pas à être institué, et il étendit son ressort jusqu’au Limousin, jusqu’à La Rochelle.

L’Angleterre avait perdu en France la Normandie, l’Aquitaine, tout, excepté Calais…

La Normandie, une autre elle-même, une terre anglaise d’aspect, de productions, qu’elle devait toujours voir en face pour la regretter ; — l’Aquitaine, son paradis de France, toutes les bénédictions du Midi, l’olivier, le vin, le soleil.

Il y avait presque trois siècles que l’Angleterre avait épousé l’Aquitaine avec Éléonore, plus qu’épousée, aimée, souvent préférée à elle-même. Le Prince noir se sentait chez lui à Bordeaux ; il était comme étranger à Londres.

Plus d’un prince anglais était né en France, plus d’un y était mort et avait voulu y être enseveli. Le sage régent de France, le duc de Bedford, fut ainsi enterré à Rouen. Le cœur de Richard Cœur-de-Lion resta à nos religieuses de l’abbaye de Fontevrault.

Ce n’était pas de la terre seulement que l’Angleterre avait perdue, c’étaient ses meilleurs souvenirs, deux ou trois cents ans d’efforts et de guerres, la vieille gloire et la gloire récente, Poitiers et Azincourt, le Prince noir et Henri V… Il semblait que ces morts s’étaient jusque-là survécu en leurs conquêtes, et qu’alors seulement ils venaient de mourir.

Le coup fut si douloureusement ressenti par l’Angleterre, qu’on put croire qu’elle en oublierait ses