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TROUBLES DE L’ANGLETERRE

l’intérêt était divers, le danger inégal ; la ville prise, les Anglais ne risquaient rien autre chose que d’être prisonniers de guerre ; les Gascons avaient fort à craindre d’être traités comme rebelles. Ils se méfiaient les uns des autres. Déjà les Anglais des places voisines avaient fait leur traité à part[1].

Les Bordelais alarmés envoyèrent au roi, ne demandant rien de plus que les biens et la vie. Mais il voulait faire un exemple ; il ne promit rien. Les députés s’en allaient assez tristes, lorsque le grand maître de l’artillerie, Jean Bureau, s’approchant du roi, lui dit : « Sire, je viens de visiter tous les alentours pour choisir les places propres aux batteries ; si tel est votre bon plaisir, je vous promets sur ma vie qu’en peu de jours j’aurai démoli la ville. »

Cependant le roi lui-même désirait un arrangement ; la fièvre était dans son camp ; il se relâcha de sa sévérité, se contenta de cent mille écus et du bannissement de vingt coupables ; tous les autres avaient leur grâce ; les Anglais s’embarquaient librement. La ville perdit ses privilèges[2] ; mais elle resta une capitale ; elle ne dépendit point des Parlements de Paris ni de Toulouse ;

  1. Mathieu de Couci.
  2. Quant à son commerce, Bordeaux ne le perdit pas pour longtemps. L’esprit mercantile, plus fort chez les Anglais que l’orgueil même, ne leur permit pas de renoncer au commerce de vins de Guyenne. Ils subirent toutes les humiliations qu’on voulut. Il faut voir les conditions auxquelles les anciens maîtres du pays obtenaient de venir commercer dans leur capitale de Guyenne, lis devaient porter tous ostensiblement la croix rouge ; ils ne pouvaient aller dans la banlieue sans avoir la permission écrite du maire. S’ils voulaient traverser la province, aller à Rayonne, les gouverneurs les y faisaient conduire à leurs dépens, sous la garde d’un archer. (Archives, Supplément au Trésor des chartes, J, 925.)