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RÉFORME ET PACIFICATION DE LA FRANCE

quatorze ans, il avait été chargé de pacifier les Marches de Bretagne et de Poitou[1]. Sa première capture fut celle d’un lieutenant du maréchal de Retz : un tel commencement ne promettait pas aux grands un ami bien sûr.

Ami ou non, il accepta leurs offres. Le trait dominant de son caractère, c’était l’impatience. Il lui tardait d’être et d’agir. Il avait de la vivacité et de l’esprit à faire trembler ; point de cœur, ni amitié, ni parenté, ni humanité, nul frein. Il ne tenait à son temps que par le bigotisme, qui, loin de le gêner, lui venait toujours à point pour tuer ses scrupules. « Il ne faisoit que subtilier jour et nuit diverses « pensées… Tous jours il avisoit soudainement « maintes étrangetés[2]. » Chose bizarre, parmi le radotage des petites dévotions, il y avait dans cet homme un vif instinct de nouveauté, le désir de remuer, de changer, déjà l’inquiétude de l’esprit moderne, sa terrible ardeur d’aller (où ? n’importe), d’aller toujours, en foulant tout aux pieds, en marchant, au besoin, sur les os de son père.

Ce dauphin de France n’avait rien de Charles VII ; il tenait plutôt de sa grand’mère, issue des maisons de Bar et d’Aragon ; plusieurs traits de son caractère font penser à ses futurs cousins les Guises. Comme les Guises, il commença par se porter pour chef des nobles, les laissant volontiers agir en sa faveur, puisqu’il leur tardait tant d’avoir pour roi celui qui devait leur couper la tête.

  1. 1 Mss. Legrand, Histoire de Louis XI
  2. Chastellain.