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RÉFORME ET PACIFICATION DE LA FRANCE

Agnès, la sainte et la maîtresse, qui toutes deux, chacune à leur manière, servirent le roi et le royaume.

Ce conseil de femmes, de parvenus, de roturiers, n’imposait pas beaucoup, il faut le dire ; la figure peu royale de Charles VII n’en était pas grandement relevée. Pour siéger comme juge du royaume sur le trône de saint Louis, pour se faire, comme lui, le gardien de la Paix de Dieu, il semblait qu’il fallût s’entourer d’autres gens. La ligue des trois dames, la vieille reine, la reine et la maîtresse, n’édifiait personne. Qu’était-ce que Richemont ? un bourreau. Jacques Cœur ? un trafiquant en pays sarrasins… Un Jean Bureau ? un robin ; « une escriptoire[1]», s’était fait capitaine ; il chevauchait avec ses canons par tout le royaume, sans qu’il y eût forteresse qui tînt devant lui ; n’était-ce pas une honte pour les gens d'épée ?… Ainsi les renards s’étaient faits des lions. Il fallait désormais que les chevaliers rendissent compte aux chevaliers ès-loix. Les plus nobles seigneurs, les hauts justiciers devaient désormais avoir peur des gens de justice. Pour une poule qu’un page aura prise, le baron sera obligé de faire vingt lieues et de parler chapeau bas au singe en robe accroupi dans son greffe.

C’était là si bien la pensée des nobles, de ceux qui entouraient de plus près Charles VII, qu’après la fameuse ordonnance, Dunois même quitta le conseil.

  1. Mot d’Henri IV : « Je sais d’une escriptoire faire un capitaine. »