Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
199
RÉFORME ET PACIFICATION DE LA FRANCE

gens de guerre, entendit les pleurs et les lamentations des bonnes gens. On fit des justices rapides : le connétable de Richemont, qui de connétable se faisait volontiers prévôt, pendait, noyait sur tout son chemin. Son frère, le duc de Bretagne, ne tarda pas à frapper ce grand coup, de juger et brûler le maréchal de Retz. Cette première justice sur un seigneur ne se fit qu’au nom de Dieu et avec l’aide de l’Église. Mais elle n’en fut pas moins un avertissement pour la noblesse, qu’il n’y aurait plus d’impunité.

Quels furent les hardis conseillers qui poussèrent le roi dans cette route ? Quels serviteurs ont pu lui inspirer ces réformes, lui faire donner le nom que lui donnent les contemporains : Charles le bien servi ?

Dans le conseil de Charles VII, nous voyons à côté des princes, du comte du Maine, du cadet de Bretagne, du bâtard d’Orléans, siéger de petits nobles, le brave Xaintrailles, les sages et politiques Brézé, nobles, mais n’étant rien que par le roi[1]. Nous y voyons deux bourgeois, l’argentier Jacques Cœur, le maître de l’artillerie Jean Bureau, deux petits noms bien roturiers[2]. Cette roture est placée en lumière par leur anoblissement et leurs armoiries. Cœur mit dans son blason trois cœurs rouges et l’héroïque rébus : A vaillans

  1. D’autre part, ils sentaient parfaitement combien le roi avait besoin d’eux. À la mort de Charles VII, le nouveau roi, mortel ennemi de Pierre de Brézé, avait mis sa tête à prix ; mais cela était inutile, il alla la porter lui-même, et Louis XI, qui avait beaucoup d’esprit, le reçut à merveille. Voir le beau récit de Chastellain.
  2. Le père des frères Bureau était un petit cadet de Champagne, venu à Paris. En cherchant bien, ils trouvèrent qu’ils descendaient d’un serf affranchi et anobli en 1171. (Godefroy.)