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HISTOIRE DE FRANCE

efficace : La dépouille des contrevenants appartient à qui leur court sus[1]. — Ce mot était terrible ; c’était armer le paysan, sonner, pour ainsi dire, le tocsin des villages.

Que le roi osât déclarer ainsi la guerre au désordre, lorsque les Anglais étaient encore en France, qu’il tentât une telle réforme en présence de l’ennemi, n’était-ce pas une imprudence ? Quoique dans le préambule il dise que l’ordonnance a été faite sur la demande des États, il est douteux que les princes et la noblesse qui y siégeaient, aient bien sérieusement sollicité une réforme qui les atteignait.

Ce qui explique en partie la hardiesse de la mesure, c’est que les capitaines soi-disant royaux, les pillards, les écorcheurs venaient de s’affaiblir eux-mêmes. Ils avaient tenté une course vers Bâle, comptant rançonner le concile, et tout au contraire, ils furent eux-mêmes sur la route fort malmenés par les paysans de l’Alsace ; puis, voyant les Suisses prêts à les recevoir[2], ils revinrent l’oreille basse. Le roi, qui avait pris Montereau vaillamment et de sa personne[3] (1437), prit Meaux par son artillerie (1439). Alors, se sentant fort, il vint siéger à Paris ; il écouta les plaintes contre les

  1. « Les chevaux, harnois et autres biens qui seront prins sur les dits capitaines et autres gens faisans contre cette présente loy et ordonnance… (appartiendront)… à ceux qui les auront conquis. » (Ordonnances, XIII.)
  2. App. 87.
  3. « Auquel assaut, le Roy, nostre seigneur, s’est exposé en personne et vaillamment s’est mis dans les fossés en l’eaue jusques au-dessus de la ceinture, et monté par une échelle durant l’assaut, l’épée au poing, et entré dedans que encore y avoit très peu de ses gens. » (Registres du Parlement, 11 oct. 1437.)