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DISCORDES DE L’ANGLETERRE. — ÉTAT DE LA FRANCE

Ils traitaient au reste leurs parents comme leurs ennemis. Mieux valait même, pour la sûreté, être ennemi que parent. Il semble qu’en ce temps-là il n’y ait plus ni pères ni frères… Le comte d’Harcourt tient son père prisonnier toute sa vie[1]; la comtesse de Foix empoisonne sa sœur, le sire de Giac sa femme[2]; le duc de Bretagne fait mourir de faim son frère, et cela publiquement : les passants entendaient avec horreur cette voix lamentable qui demandait en grâce la charité d’un peu de pain… Un soir, le 10 janvier, le comte Adolphe de Gueldre arrache du lit son vieux père, il le traîne cinq lieues à pied, sans chausses, par la neige, et le jette dans un cul de basse-fosse… Le fils avait à dire, il est vrai, que le parricide était l’usage de la famille[3]… Mais nous le trouvons aussi dans la plupart des grandes maisons du temps, dans toutes celles des Pays-Bas, dans celles de Bar, de Verdun, dans celle d’Armagnac, etc.

On était bien fait à ces choses, et pourtant il en éclata une dont tout le monde fut stupéfait : conticuit terra.

Le duc de Bretagne se trouvant à Nantes, l’évêque, qui était son cousin et son chancelier, s’enhardit par sa présence à procéder contre un grand seigneur du voisinage, singulièrement redouté, un Retz de la maison des Laval, qui eux-mêmes étaient des Montfort, de

  1. Monstrelet.
  2. « Et quand elle eut bu les poisons, il la feist monter derrière luy à cheval, et chevaucha quinze lieues en celuy estat ; puis mourut la dicte dame incontinent. Il faisoit ce pour avoir madame de Tonnerre. » (Mémoires de Richemont.)
  3. App. 85.