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DISCORDES DE L’ANGLETERRE. — ÉTAT DE LA FRANCE

recommander, les chapitres élisaient docilement[1]; le roi était bien loin. Il s’agissait de savoir si la noblesse était digne qu’on lui remît la principale action dans les affaires de l’Église, si les seigneurs, à qui véritablement revenaient le choix des pasteurs, la responsabilité du salut des âmes, étaient eux-mêmes les âmes pures qu’en matière si délicate éclairerait le Saint-Esprit.

Le moyen âge avait redouté une telle influence comme l’anéantissement de l’Église. Et pourtant les barons du douzième siècle, ceux mêmes qui se battirent si longtemps pour le sceptre contre la crosse, ceux qui plantèrent le drapeau de l’empereur sur les murs de Rome, comme un Godefroi de Bouillon, c’étaient des hommes craignant Dieu.

Dans son fief, le baron, tout fier et dur qu’il pouvait être, avait encore une règle qui, pour n’être pas écrite, ne semblait que plus respectable. Cette règle était l’usage, la coutume[2]. Dans ses plus grandes violences, il voyait venir ses hommes qui lui disaient avec respect : « Messire, ce n’est pas lusage des bonnes gens de céans. » On lui amenait les prud’hommes, les vieux du pays, qui semblaient l’usage vivant, des gens qui l’avaient vu naître, qu’il voyait tous les jours et connaissait par leurs noms. L’emportement brutal du jeune homme tombait souvent en présence de ces

  1. App. 84.
  2. De là la fixité des redevances, qui était un si grand adoucissement. Souvent, elles étaient de pure cérémonie ; en certains lieux, l’usage voulait que le seigneur donnât plus qu’il ne recevait. Voy. mes Origines du droit.