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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

bart ; il était tout épouvanté ; il se confessa, mais il ne pouvait croire que Dieu lui pardonnât jamais… Un secrétaire du roi d’Angleterre disait tout haut en revenant : « Nous sommes perdus ; nous avons brûlé une sainte ! »

Cette parole, échappée à un ennemi, n’en est pas moins grave. Elle restera. L’avenir n’y contredira point. Oui, selon la Religion, selon la patrie, Jeanne Darc fut une sainte.

Ouclle légende plus belle que cette incontestable histoire[1]? Mais il faut se garder bien d’en faire une légende[2]; on doit en conserver pieusement tous les traits, même les plus humains, en respecter la réalité touchante et terrible…

Que l’esprit romanesque y touche, s’il ose ; la poésie ne le fera jamais. Eh ! que saurait-elle ajouter ?… L’idée qu’elle avait, pendant tout le moyen âge, poursuivie de légende en légende, cette idée se trouva à la fin être une personne ; ce rêve, on le toucha. La Vierge secourable des batailles que les chevaliers appelaient, attendaient d’en haut, elle fut ici-bas… En qui ? C’est la merveille. Dans ce qu’on méprisait, dans ce qui semblait le plus humble, dans une enfant, dans la

  1. App. 69.
  2. Le cadre serait tout tracé ; c’est la formule même de la vie héroïque : 1, la forêt, la révélation ; 2, Orléans, l’action ; 3, Reims, l’honneur. — 4, Paris et Compiègne, la tribulation, la trahison ; 5, Rouen, la passion. — Mais rien ne fausse plus l’histoire que d’y chercher des types complets et absolus. Quelle qu’ait été l’émotion de l’historien en écrivant cet Évangile, il s’est attaché au réel, sans jamais céder à la tentation d’idéaliser.