Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
148
HISTOIRE DE FRANCE

qu’on pouvait lui donner la communion « et tout ce qu’elle demanderait ». Ainsi, au moment même où il la jugeait hérétique relapse et la retranchait de l’Église, il lui donnait tout ce que l’Eglise donne à ses fidèles. Peut-être un dernier sentiment humain s’éleva dans le cœur du mauvais juge ; il pensa que c’était bien assez de brûler cette pauvre créature, sans la désespérer et la damner. Peut-être aussi le mauvais prêtre, par une légèreté d’esprit fort, accordait-il les sacrements comme chose sans conséquence, qui ne pouvait après tout que calmer et faire taire le patient… Au reste, on essaya d’abord de faire la chose à petit bruit, on apporta l’eucharistie sans étole et sans lumière. Mais le moine s’en plaignit, et l’Église de Rouen, dûment avertie, se plut à témoigner ce qu’elle pensait du jugement de Cauchon ; elle envoya le corps de Christ avec quantité de torches, un nombreux clergé, qui chantait des litanies et disait le long des rues au peuple à genoux : « Priez pour elle[1]. »

Après la communion, qu’elle reçut avec beaucoup de larmes, elle aperçut l’évêque et elle lui dit ce mot : « Évêque, je meurs par vous… » Et encore : « Si vous m’eussiez mise aux prisons d’Église et donné des gardiens ecclésiastiques, ceci ne fût pas advenu… C’est pourquoi j’en appelle de vous devant Dieu[2]! »

Puis, voyant parmi les assistants Pierre Morice, l’un de ceux qui l’avaient prêchée, elle lui dit : « Ah ! maître Pierre, où serai-je ce soir ? — N’avez-vous pas

  1. Déposition du frère Jean de Levozoles. (Lebrun.)
  2. Déposition du Jean Toutmouillé. (Notices des mss.)