Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/157

Cette page n’a pas encore été corrigée
147
PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

jamais, au reste gens de toute espèce, prêtres, légistes, et jusqu’à trois médecins. Ils leur rendirent compte de ce qui s’était passé et leur demandèrent avis. L’avis, tout autre qu’on ne l’attendait, fut qu’il fallait mander encore la prisonnière et lui relire son acte d’abjuration. Il est douteux que cela fût au pouvoir des juges. Il n’y avait plus au fond ni juge ni jugement possible, au milieu de cette rage de soldats, parmi les épées. Il fallait du sang, celui des juges peut-être n’était pas loin de couler. Ils dressèrent à la hâte une citation, pour être signifiée le lendemain à huit heures ; elle ne devait plus comparaître que pour être brûlée.

Le matin, Cauchon lui envoya un confesseur, frère Martin l’Advenu, « pour lui annoncer sa mort et l’induire à pénitence... Et quand il annonça à la pauvre femme la mort dont elle devait mourir ce jour-là, elle commença à s’écrier douloureusement, se détendre et arracher les cheveux : « Hélas ! me traite-t-on ainsi horriblement et cruellement, qu’il faille que mon corps, net en entier, qui ne fut jamais corrompu, soit aujourd’hui consumé et rendu en cendres ! Ha ! ha ! j’aimerois mieux être décapitée sept fois que d’être ainsi brûlée !... Oh ! j’en appelle à Dieu, le grand juge des torts et ingravances qu’on me fait[1]! »

Après cette explosion de douleur, elle revint à elle et se confessa, puis elle demanda à communier. Le frère était embarrassé, mais l’évêque consulté répondit

  1. Déposition de Jean Toutmouillé. (Notices des mss.)