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HISTOIRE DE FRANCE

passage ; pensant que ces docteurs, s’ils uniraient, pouvaient gâter tout, ils levèrent sur eux les haches, les épées, et leur donnèrent la chasse, en les appelant traîtres d’Armagnaux[1]. Cauchon, introduit à grand’peine, fit le gai pour plaire à Warwick, et dit en riant : « Elle est prise. »

Le lundi, il revint avec l’inquisiteur et huit assesseurs pour interroger la Pucelle et lui demander pourquoi elle avait repris cet habit. Elle ne donna nulle excuse ; mais, acceptant bravement son danger, elle dit que cet habit convenait mieux tant qu’elle serait gardée par des hommes ; que d’ailleurs on lui avait manqué de parole. Ses Saintes lui avaient dit « que c’était grand’pitié d’avoir abjuré pour sauver sa vie ». Elle ne refusait pas au reste de reprendre l’habit de femme. « Qu’on me donne une prison douce et sûre[2], disait-elle, je serai bonne et je ferai tout ce que voudra l’Église. »

L’évêque, en sortant, rencontra Warwick et une foule d’Anglais ; et pour se montrer bon Anglais, il dit en leur langue : « Farewell, farewell. » Ce joyeux adieu voulait dire à peu près : « Bonsoir, bonsoir, tout est fini[3]. »

Le mardi, les juges formèrent à l’archevêché une assemblée telle quelle d’assesseurs, dont les uns n’avaient siégé qu’aux premières séances, les autres

  1. Déposition du notaire Manchon. (Notices.)
  2. « In loco tuto. » — Le procès-verbal y substitue : « Carcer graciosus. » (Lebrun.)
  3. «. Faronnelle, faictes bonne chière, il en est faict. » (Déposition d’Isambart. — Notices des mss.)