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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

qui parle)[1] elle dit aux Anglais, ses gardes : « Déferrez-moi, que je puisse me lever. » L’un d’eux ôta les habits de femme qui étoient sur elle, vida le sac où étoit l’habit d’homme, et lui dit : « Lève-toi. — Messieurs, dit-elle, vous savez qu’il m’est défendu ; sans faute, je ne le prendrai point. » Ce débat dura jusqu’à midi ; et enfin, pour nécessité de corps, il fallut bien qu’elle sortît et prît cet habit. Au retour, ils ne voulurent point lui en donner d’autre, quelque supplication qu’elle fit[2]. »

Ce n’était pas au fond l’intérêt des Anglais qu’elle reprît l’habit d’homme et qu’elle annulât ainsi une rétractation si laborieusement obtenue. Mais en ce moment leur rage ne connaissait plus de bornes. Xaintrailles venait de faire une tentative hardie sur Rouen[3]. C’eût été un beau coup d’enlever les juges sur leur tribunal, de mener à Poitiers Winchester et Bedford ; celui-ci faillit encore être pris au retour, entre Rouen et Paris. Il n’y avait plus de sûreté pour les Anglais tant que vivrait cette fille maudite, qui sans doute continuait ses maléfices en prison. Il fallait qu’elle pérît.

Les assesseurs, avertis à l’instant de venir au château pour voir le changement d’habit, trouvèrent dans la cour une centaine d’Anglais qui leur barrèrent le

  1. Déposition de l’huissier Massieu, qui la suivit jusqu’au bûcher. (Notices des mss.)
  2. App. 64.
  3. Était-il envoyé par Charles VII pour délivrer la Pucellc, rien ne l’indique. Il croyait avoir trouvé moyen de se passer d’elle ; Xaintrailles se faisait mener par un petit berger gascon. L’expédition manqua et le berger fut pris. App. 65.