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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

de lui passer la robe, et comme elle le repoussait, il mit sans façon la main sur elle, sa main de tailleur sur la main qui avait porté le drapeau de la France..., elle lui appliqua un soufflet.

Si les femmes ne comprenaient rien à cette question féminine, combien moins les prêtres ? Ils citaient le texte d’un concile du quatrième siècle[1], qui anathématisait ces changements d’habits. Ils ne voyaient pas que cette défense s’appliquait spécialement à une époque où l’on sortait à peine de l’impureté païenne. Les docteurs du parti de Charles VII, les apologistes de la Pucelle, sont fort embarrassés de la justifier sur ce point. L’un d’eux (on croit que c’est Gerson) suppose gratuitement que, dès qu’elle descend de cheval, elle reprend l’habit de femme ; il avoue qu’Esther et Judith ont employé d’autres moyens plus naturels, plus féminins pour triompher des ennemis du peuple de Dieu[2]. Ces théologiens, tout préoccupés de l’âme, semblent faire bon marché du corps ; pourvu qu’on suive la lettre, la loi écrite, l’âme sera sauvée ; que la chair devienne ce qu’elle pourra... Il faut pardonner à une pauvre et simple fille de n’avoir pas su si bien distinguer.

C’est notre dure condition ici-bas que l’âme et le corps soient si fortement liés l’un à l’autre, que l’âme traîne cette chair, qu’elle en subisse les hasards, et qu’elle en réponde... Cette fatalité a toujours été

  1. App. 63.
  2. « Licet ornarent se cultu solemniori, ut gratius placerent bis cum quibus agere conceperunt. » (Gerson.)