matérielles de la vie du Seigneur[1]. Lorsqu’ils laissent la lettre et s’élèvent à l’esprit, l’amour les égare, ils dépassent l’imitation, ils cherchent l’union, l’unité de l’homme et de Dieu. Sans doute, telle est la pente de l’âme, elle ne demande qu’à périr en soi pour n’être plus qu’en l’objet aimé[2]. Et pourtant, tout serait perdu pour la passion, si elle arrivait, l’imprudente, à son but, à l’unité même ; dans l’unité, il n’y aurait plus place à l’amour ; pour aimer, il faut rester deux.
Tel fut l’écueil où échouèrent tous les mystiques pendant le treizième et le quatorzième siècle, le grand Ruysbrock lui-même qui écrivait contre les mystiques.
La merveille de l’Imitation, dans la forme où elle fut arrêtée (peut-être vers 1400), c’est la mesure et la sagesse. L’âme y marche entre les deux écueils : matérialité, mysticité ; elle y touche et n’y heurte pas ; elle passe, comme si elle ne voyait point le péril ; elle passe dans sa simplicité… Prenez garde, cette simplicité-là n’est pas une qualité naïve, c’est bien plutôt la fin de la sagesse ; comme la seconde ignorance dont parle Pascal, l’ignorance qui vient après la science.
Cette simplicité dans la profondeur est particulièrement le caractère du troisième livre de l’Imitation. L’âme, détachée du monde au premier, s’est fortifiée dans la solitude du second. Au troisième, ce n’est plus solitude ; l’âme a près d’elle un compagnon, un