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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

Et ce n’était pas seulement la populace des soldats, le mob anglais, toujours si féroce, qui montrait cette soif de sang. Les honnêtes gens, les grands, les lords, n’étaient pas moins acharnés. L’homme du roi, son gouverneur, lord Warwick, disait comme les soldats : « Le roi va mal[1], la fille ne sera pas brûlée. »

Warwick était justement l’honnête homme selon les idées anglaises, l’Anglais accompli, le parfait gentleman [2]. Brave et dévot, comme son maître Henri V, champion zélé de l’Eglise établie, il avait fait un pèlerinage à la Terre-Sainte, et maint autre voyage chevaleresque, ne manquant pas un tournoi sur sa route. Lui-même il en donna un des plus éclatants et des plus célèbres aux portes de Calais, où il défia toute la chevalerie de France. Il resta de cette fête un long souvenir : la bravoure, la magnificence de ce Warwick ne servirent pas peu à préparer la route au fameux Warwick, le faiseur de rois.

Avec toute cette chevalerie Warwick n’en poursuivait pas moins âprement la mort d’une femme, d’une prisonnière de guerre ; les Anglais, le meilleur et le plus estimé de tous, ne se faisaient aucun scrupule d’honneur de tuer par sentence de prêtres et par le feu celle qui les avait humiliés par l’épée.

Ce grand peuple anglais, parmi tant de bonnes et solides qualités, a un vice qui gâte ces qualités même.

  1. « Quod rex male stabat. » (Notices des mss.)
  2. « A true pattern of the knigtly spirit, taste, accomplishments and adventures, » etc. Il fut un des ambassadeurs envoyés au concile de Constance par Henri V ; il y fut défié par un duc, et le tua en duel. Turuer donne, d’après un manuscrit, la description de son fastueux tournoi de Calais.