Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/148

Cette page n’a pas encore été corrigée
138
HISTOIRE DE FRANCE

nous vous condamnons par grâce et modération à passer le reste de vos jours en prison, au pain de douleur et à l’eau d’angoisse, pour y pleurer vos péchés. »

Elle était admise par le juge d’Église à faire pénitence, nulle autre part sans doute que dans les prisons d’Église [1], l'in pace ecclésiastique, quelque dur qu’il fût, devait au moins la tirer des mains des Anglais, la mettre à l’abri de leurs outrages, sauver son honneur. Quels furent sa surprise et son désespoir, lorsque l’évéque dit froidement : « Menez-la où vous l’avez prise. »

Rien n’était fait ; ainsi trompée, elle ne pouvait manquer de rétracter sa rétractation. Mais, quand elle aurait voulu y persister, la rage des Anglais ne l’aurait pas permis. Ils étaient venus à Saint-Ouen dans l’espoir de brûler enfin la sorcière ; ils attendaient, haletants, et on croyait les renvoyer ainsi, les payer d’un petit morceau de parchemin, d’une signature, d’une grimace... Au moment même où l’évéque interrompit la lecture de la condamnation, les pierres volèrent sur les échafauds, sans respect du cardinal... Les docteurs faillirent périr en descendant dans la place ; ce n’était partout qu’épées nues qu’on leur mettait à la gorge ; les plus modérés des Anglais s’en tenaient aux paroles outrageantes : « Prêtres, vous ne gagnez pas l’argent du roi. » Les docteurs, défilant à la hâte, disaient tout tremblants : « Ne vous inquiétez, nous la retrouverons bien[2]. »

  1. App. 26.
  2. « Non curetis, bone rehabebimus eam. » (Notices des mss.)