Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
137
PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

quelque espoir, interrompit sa lecture. Alors les Anglais devinrent furieux : un secrétaire de Winchester dit à Cauchon qu’on voyait bien qu’il favorisait cette fille ; le chapelain du cardinal en disait autant. « Tu en as menti[1]», s’écria l’évêque. « Et toi, dit l’autre, tu trahis le roi. » Ces graves personnages semblaient sur le point de se gourmer sur leur tribunal.

Érard ne se décourageait pas, il menaçait, il priait. Tantôt il disait : « Jehanne, nous avons tant pitié de vous… ! » et tantôt : « Abjure, ou tu seras brûlée ! » Tout le monde s’en mêlait, jusqu’à un bon huissier qui, touché de compassion, la suppliait de céder, et assurait qu’elle serait tirée des mains des Anglais, remise à l’Église. « Eh ! bien, je signerai, » dit-elle. — Alors Cauchon, se tournant vers le cardinal, lui demanda respectueusement ce qu’il fallait faire[2]; « L’admettre à la pénitence, » répondit le prince ecclésiastique.

Le secrétaire de Winchester tira de sa manche une toute petite révocation de six lignes (celle qu’on publia ensuite avait six pages), il lui mit la plume en main, mais elle ne savait pas signer ; elle sourit et traça un rond ; le secrétaire lui prit la main, et lui fit faire une croix.

La sentence de grâce était bien sévère : « Jehanne,

  1. « Mentiebatur, quia potius, cum judex esset in causa fidei, deberet quærere ejus salutem quam mortem. » (Notices.) Cauchon, pour tout dire, devait ajouter que, dans l’intérêt des Anglais, la rétractation était bien plus importante que la mort.
  2. App61. bis.