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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

Armés de cette réponse, quelques-uns voulaient qu’on la brûlât sans plus attendre ; cela eût suffi pour la satisfaction des docteurs dont elle rejetait l’autorité, mais non pas pour celle des Anglais ; il leur fallait une rétractation qui infamât le roi Charles. On essaya d’une nouvelle monition, d’un nouveau prédicateur, maître Pierre Morice, qui ne réussit pas mieux ; il eut beau faire valoir l’autorité de l’Université de Paris, « qui est la lumière de toute science » : « Quand je verrais le bourreau et le feu, dit-elle, quand je serais dans le feu, je ne pourrais dire que ce que j’ai dit. »

On était arrivé au 23 mai, au lendemain de la Pentecôte ; Winchester ne pouvait plus rester à Rouen, il fallait en finir. On résolut d’arranger une grande et terrible scène publique qui pût ou effrayer l’obstinée, ou tout au moins donner le change au peuple. On lui envoya la veille au soir Loyseleur, Châtillon et Morice, pour lui promettre que si elle était soumise, si elle quittait l’habit d’homme, elle serait remise aux gens d’Église et qu’elle sortirait des mains des Anglais.

Ce fut au cimetière de Saint-Ouen, derrière la belle et austère église monastique (déjà bâtie comme nous la voyons), qu’eut lieu cette terrible comédie. Sur un échafaud siégeait le cardinal Winchester, les deux juges et trente-trois assesseurs, plusieurs ayant leurs scribes assis à leurs pieds. Sur l’autre échafaud, parmi les huissiers et les gens de torture, était Jeanne en habit d’homme ; il y avait en outre des notaires pour recueillir ses aveux, et un prédicateur qui devait l’admonester. Au pied, parmi la foule, se distinguait