Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 5.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

la Seine, et alors il pouvait aller à Bâle commencer l’autre guerre, la guerre théologique, y siéger comme arbitre de la chrétienté, faire et défaire les papes[1]. Au moment où il avait en vue de si grandes choses, il lui fallait se morfondre à attendre ce que cette fille voudrait dire.

Le maladroit Cauchon avait justement indisposé le chapitre de Rouen, dont il sollicitait une décision contre la Pucelle. Il se laissait appeler d’avance : « Monseigneur l’archevêque[2]. » Winchester résolut que, sans s’arrêter aux lenteurs de ces Normands, on s’adresserait directement au grand tribunal théologique, à l’Université de Paris[3].

Tout en attendant la réponse, on faisait de nouvelles tentatives pour vaincre la résistance de l’accusée, on employait la ruse, la terreur. Dans une seconde monition (2 mai), le prédicateur, maître Châtillon, lui proposa de s’en remettre de la vérité de ses apparitions à des gens de son propre parti[4]. Elle ne donna pas dans ce piège. « Je m’en tiens, dit-elle, à mon juge, au Roi du ciel et de la terre. » Elle ne dit plus cette fois, comme auparavant : « À Dieu et au pape. » — « Eh bien ! l’Église vous laissera, et vous serez en péril du feu pour l’âme et le corps. — Vous ne ferez ce que vous dites qu’il ne vous en prenne mal au corps et à l’âme. »

  1. Comme il l’avait fait au concile de Constance.
  2. App. 57.
  3. Les docteurs envoyés à l’Université parlèrent « au nom du roi » dans la grande assemblée tenue aux Bernardins. App. 58.
  4. L’archevêque de Reims, La Trémouille, etc. On lui offrit aussi de consulter l’Église de Poitiers.