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PROCÈS ET MORT DE LA PUCELLE

Et en effet, l’infortunée, rejetée de l’Église visible, délaissée de l’invisible Église, du monde et de son propre cœur, elle défaillit... Et le corps suivait l’âme défaillante...

Il se trouva justement que ce jour-là elle avait goûté d’un poisson que lui envoyait le charitable évêque de Beauvais[1], elle put se croire empoisonnée. L’évêque y avait intérêt ; la mort de Jeanne eût fini ce procès embarrassant, tiré le juge d’affaire. Mais ce n’était pas le compte des Anglais. Lord Warwick disait tout alarmé : « Le roi ne voudrait pour rien au monde qu’elle mourût de sa mort naturelle ; le roi l’a achetée, elle lui coûte cher !... Il faut qu’elle meure par justice, qu’elle soit brûlée... Arrangez-vous pour la guérir. »

On eut soin d’elle en effet, elle fut visitée, saignée, mais elle n’alla pas mieux. Elle restait faible et presque mourante. Soit qu’on craignît qu’elle n’échappât ainsi et ne mourût sans rien rétracter, soit que cet affaiblissement du corps donnât espoir qu’on aurait meilleur marché de l’esprit, les juges firent une tentative (18 avril). Ils vinrent la trouver dans sa chambre et lui remontrèrent qu’elle était en grand danger, si elle ne voulait prendre conseil et suivre l’avis de l’Église : « Il me semble, en effet, dit-elle, vu mon mal, que je suis en grand péril de mort. S’il est ainsi, que Dieu veuille faire son plaisir de moi, je voudrois avoir confession, recevoir mon Sauveur et être mise en terre

  1. App. 55.